On fait quoi avec ces petits bouts fraîchement débarqués de la maternelle, qui ont peut-être encore un peu de mal à quitter maman, se retrouvent propulsés avec des grands dadais de CM2, dans des locaux qu’ils ne connaissent pas, avec des maîtresses et des maîtres inconnus, avec des angoisses qui n’ont peut-être pas été dites ?
On les rassure. Beaucoup. On est bienveillant, très bienveillant. On est patient, infiniment patient. On les écoute, parce qu’ils ont des choses à dire. On va doucement, on prend le temps de dire, d’expliquer. On ne les speede pas, enfin pas trop. On leur sourit, on essaie de les dérider un peu. Ils sont petits, ne l’oubliez pas ! Ils viennent de la maternelle, leur maîtresse est une personne importante pour eux, alors on n’hésite pas à avoir l’air gentil (allez, forcez-vous un peu !). On remballe le discours « Moi je ne souris pas, il faut leur montrer tout de suite que ça va filer droit », on n’est pas dans un rapport de force ! Ils ont un peu-beaucoup-drôlement peur, alors on se doit d’avoir une attitude rassurante et bienveillante. On leur montre qu’ils étaient attendus, qu’on les accueille avec plaisir. On leur dit qu’on a 6h (ah non, avec la réforme, moins ^^) à passer ensemble, et qu’on va essayer de faire en sorte que ce soit 6h vachement sympa. (à cet âge-là, on peut encore leur faire croire n’importe quoi) Je leur dis que je ne les ai pas choisis, qu’ils ne m’ont pas choisie, qu’ils n’ont pas choisi leurs camarades, mais que c’est comme ça, on va passer une année ensemble et on va tout faire pour que cette année soit chouettos (non, chouettos c’est ringard en fait)
Parce qu’une rentrée, c’est important,
mais une rentrée au CP,
ça a quelque chose de vraiment très spécial !
Concrètement, ça donne quoi ?
Pour commencer, j’appelle mes petits monstres dans la cour, en général je me retrouve avec une grappe d’élèves plus ou moins en rang. Des fois il faut en prendre un par la main, parce que c’est pas facile de quitter maman.
On monte et ils découvrent les zolies nétiquettes de porte-manteaux, et je leur explique que c’est comme à la maternelle, on accroche son manteau ici. C’est important pour eux de savoir qu’il y a des choses qui seront pareilles qu’à la maternelle, il ne faut pas hésiter à le dire.
Ils entrent en classe, prennent place (en général je prévois un plan de table pour placer l’AVS et ceux qui m’ont été annoncés « polissons » (pfffff on dirait ma maîtresse de CE1 !))
Je me présente, chacun me dit son prénom que j’essaie de mémoriser (je suis plutôt pas mauvaise, mais faut dire qu’avec 21 élèves c’est plus facile !)
Je les laisse observer les lieux. Comme je les ai déjà reçus en juin, ils ne ressemblent pas trop à des poissons hors de leur bocal, mais on prend quand même le temps de décrire l’espace classe, de chercher ce qui est pareil qu’à la maternelle, ce qui est différent. J’en profite pour leur expliquer qu’il faut aller aux WC pendant la récré, mais qu’en cas d’urgence, on peut quand même y aller en levant le doigt. Sachez que les WC c’est quelque chose que les petits appréhendent beaucoup quand ils arrivent de la maternelle, alors n’hésitez pas à les rassurer, à leur dire qu’ils peuvent vous demander de l’aide s’ils ont un problème de fermeture éclair, tout ça tout ça.
Ensuite, on réfléchit à ce qui est autorisé et interdit. Chacun peut s’exprimer, et on résume en parlant des règles essentielles.
Puis je leur demande ce qu’ils font là : pourquoi ils viennent à l’école, qu’est-ce qu’on apprend au CP ? Et là, c’est un peu le drame : je leur annonce qu’ils ne sauront pas lire en rentrant chez eux ce soir. Que l’apprentissage de la lecture, il a déjà commencé en maternelle, que leurs maîtresses leur ont déjà appris beaucoup de choses, et qu’on va continuer à apprendre à lire toute l’année, et même encore en CE1. Qu’il faut faire des efforts, que ça ne vient pas comme ça, en claquant des doigts. (Y’en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes)
Après on visite l’école : on va déranger faire coucou dans toutes les classes, on repère où sont les grands frères, les grandes soeurs, les cousins et cousines, les copains de l’an dernier. On va voir la directrice, on présente les gens de l’école.
Et puis on passe aux WC, parce que ça va être la récré. On sort, et je leur explique où et quand il faudra venir se mettre en rang. Pendant la récré, je reste dans la cour, même si je ne suis pas de service, parce que ça les rassure.
Quand on remonte en classe, on fait une opération grand déballage : ils se montrent ce qu’ils ont dans les cartables, dans les trousses, leurs trop beaux stylos à trente-douze-milliards de couleurs qui sent le pop corn artificiel et la fraise chimique qui donne la migraine, leurs compas, équerres, rapporteur, rouleaux de scotch et dérouleur de tip-ex. Ben tiens justement : on fait le tri entre ce qui est utile à l’école, ce qu’on peut garder parce que c’est joli et que ça fait plaisir d’avoir de belles affaires, et ce qui est franchement inutile. Je présente aussi le coin « prêt de matériel » de la classe, pour quand on a oublié sa trousse. Je montre aussi la réserve de matériel, j’explique qu’il faudra demander quelques fournitures à papa et maman.
Je distribue le cahier de devoirs (et j’explique ce que sont les devoirs) et le carnet de liaison, en expliquant à quoi il sert. je dis qu’à l’intérieur, il y a des mots très importants pour la famille, qu’il faudra bien penser à les montrer ce soir.
Après ça : on passe à la séquence « Alphas en 3 jours » de Sanléane : je projette les images du livre au TBI et je passe le CD, enfin, allez voir sur son blog, c’est tout bien expliqué !
Après, on chante : je leur demande de me chanter des trucs de la maternelle, c’est la cacophonie mais c’est pas grave parce qu’on rigole bien. Et puis c’est l’heure de la pause de midi, et alors là, attention aux enfants qui mangent à la cantine, notez-les bien !
Quand on revient à 14h, je lis deux histoires qui parlent de la rentrée, et on évoque leurs appréhensions, leurs craintes, ils peuvent poser leurs questions.
Et puis on commence le fichier de maths, on présente les personnages, tout ça.
Après c’est encore la récré, on rappelle tout ce qu’on a dit le matin.
Quand on revient, je fais une évaluation en écriture, pour savoir quel enfant a besoin de quel cahier. Il faut recopier une phrase sur une ligne, puis entre deux lignes, puis sur des lignes seyes 3mm en respectant la hauteur des lettres.
Après je distribue les cahiers, j’explique à quoi ils servent. Avant je leur faisais mettre le protège-cahier, l’étiquette et la page de garde, mais ça prend des plombes et ça finit pas m’énerver parce qu’on est à la bourre, alors je le fais moi-même maintenant, je préfère.
Et puis en dernier, on prépare le cartable : on regarde ensemble ce qu’on y met, ce qui doit rester à l’école.
Et puis je les remercie pour cette journée que j’ai passée avec eux, je leur dis que je suis heureuse d’avoir fait leur connaissance, et contente de passer cette année scolaire avec eux (la méthode Coué j’vous dis !)
Après c’est l’heure de rentrer à la maison, ou d’aller à l’étude, je rassure les enfants de l’étude, et je raccompagne les autres au portail.
Après je rentre et je dors 20h d’affilée en pleurant et en stressant parce que je flippe et que j’ai trop peur qu’ils quittent ma classe sans savoir lire, écrire et compter. Ou alors je me jette sur les kinder bueno en me disant que l’année va être fatigante.
Si je devais dire une seule chose : ne prévoyez pas trop de choses, n’oubliez pas qu’ils sont petits, n’oubliez pas que ce sont des enfants.